La Befana, silhouette familière de l’Épiphanie italienne, chevauche son balai, son sac bourré de douceurs et de charbon. Mais au-delà de la légende, une question se pose : l'art de la Renaissance, et plus précisément l'œuvre de Michel-Ange, a-t-il influencé l'évolution de son image au fil des siècles ? Cette analyse explore l'hypothèse d'une relation subtile, voire insoupçonnée, entre le génie florentin et la transformation iconographique de ce personnage mythique.
Symbole ambivalent de générosité et de punition, la Befana distribue ses cadeaux aux enfants sages et son charbon aux moins méritants. Son origine, nimbée de mystère, se perd dans la nuit des temps, son image variant selon les régions d'Italie. Cette évolution, de la figure obscure et parfois menaçante à l'iconographie plus familière d'aujourd'hui, révèle des liens fascinants avec l'art de la Renaissance et, en particulier, avec le style puissant de Michel-Ange.
L'évolution de l'iconographie de la befana
L'image de la Befana n'a pas toujours été celle que l'on connaît aujourd'hui. Les représentations anciennes, souvent sommaires, la dépeignent avec une grande variabilité stylistique et symbolique, reflétant la diversité des traditions locales. Avant la Renaissance, l'absence d'une représentation standardisée témoigne de l'influence de multiples sources, tant folkloriques que religieuses.
Représentations Pré-Renaissance : un mythe fragmenté
- Certaines régions associaient la Befana à des divinités païennes liées aux cycles agricoles et aux célébrations hivernales, notamment au solstice d'hiver. On retrouve des similarités avec des figures de la mythologie grecque et romaine.
- D'autres interprétations la rapprochaient de figures bibliques, soulignant son rôle ambivalent, à la fois bienveillant et punitif, résonnant avec des thèmes de récompense et de châtiment.
- L'absence de représentations cohérentes jusqu'au XVème siècle indique une transmission orale prédominante, avec des variations régionales significatives dans l'apparence et les attributs de la Befana.
L'influence du contexte Socio-Religieux
Le syncrétisme religieux a profondément influencé l'image de la Befana. En Italie, les vestiges de croyances païennes ont fusionné avec les traditions chrétiennes, créant une figure hybride, mi-sorcière, mi-bénéficiaire. L'époque médiévale, par exemple, a renforcé son aspect plus sombre et mystique, mettant l'accent sur les aspects de divination et de magie.
L'influence stylistique de Michel-Ange : une renaissance pour la befana ?
Bien que Michel-Ange n'ait jamais représenté directement la Befana, son style sculptural puissant et son influence profonde sur l'art italien suggèrent une influence indirecte sur l'évolution de son image. L'analyse stylistique révèle des points de convergence fascinants entre ses créations et les représentations post-Renaissance de la Befana.
Les femmes de Michel-Ange : force et expressivité
Les figures féminines de Michel-Ange – la Pietà, les Sibylles de la Chapelle Sixtine, etc. – se caractérisent par leur force physique et leur expressivité intense. Leur anatomie réaliste et puissante contraste fortement avec les représentations plus caricaturales de la Befana avant la Renaissance. Ces créations ont introduit un nouveau modèle féminin, éloigné des stéréotypes traditionnels et plus proche d'une représentation de puissance et de majesté.
Dynamisme et mouvement : la befana en vol
Le dynamisme des sculptures de Michel-Ange, leur énergie contenue ou libérée, a profondément influencé l'art qui lui a succédé. Cette esthétique du mouvement se retrouve progressivement dans les représentations de la Befana, la montrant souvent en plein vol sur son balai, un détail qui souligne sa nature magique et sa capacité à parcourir de grandes distances en un instant.
De la grotesque à la majesté : une transformation stylistique
L'évolution de l'image de la Befana, passant d'une représentation parfois grotesque et caricaturale à une figure plus imposante et majestueuse, coïncide avec l'essor de la Renaissance et l'influence de ses canons esthétiques. L'adoption d'un style plus réaliste et expressif, inspiré par les maîtres de la Renaissance, a contribué à transformer la Befana, lui conférant une nouvelle dignité.
Le surhumain et la symbolique : une influence indirecte
L'accent mis par Michel-Ange sur la grandeur et la puissance du corps humain a contribué à une nouvelle vision de la figure humaine, plus imposante et plus symbolique. Cette influence, transmise à travers les générations d'artistes, a pu se répercuter sur la représentation de la Befana, lui conférant une dimension plus mythique et transcendante.
L'héritage de la renaissance : diffusion d'une esthétique
L'influence de Michel-Ange sur l'art italien et européen a été considérable. Son style a transcendé les frontières de la haute-art, influençant les artistes populaires et imprégnant la culture visuelle italienne pendant des siècles.
La popularisation du style michelangelesque
La popularité immense de Michel-Ange a fait de son style un modèle pour les artistes de tous niveaux. Ses œuvres, reproduites et interprétées de multiples manières, ont contribué à la diffusion des canons de la Renaissance, atteignant même les sphères de l'art populaire.
Le filtre de l'art populaire : une transmission transformée
Les techniques et les styles de la Renaissance, popularisés par Michel-Ange, se sont "filtrés" à travers l'art populaire, s'adaptant aux contraintes et aux traditions locales. Des éléments stylistiques subtils, inspirés de la Renaissance, sont perceptibles dans des représentations de la Befana, témoignant de l'omniprésence de l'esthétique de la Renaissance dans la culture visuelle italienne.
Nouvelles interprétations : une befana renaissance
Certaines représentations de la Befana, notamment des cartes postales anciennes et des illustrations, présentent des similitudes stylistiques frappantes avec les œuvres de la Renaissance. On observe des influences dans le rendu des vêtements, des expressions faciales, ou dans la composition générale de l'image. Ces similitudes, même subtiles, suggèrent une influence indirecte mais perceptible de l'héritage artistique de Michel-Ange.
L'hypothèse d'une influence de Michel-Ange sur l'évolution de l'image de la Befana, qu'elle soit directe ou indirecte, met en lumière les interactions complexes entre l'art officiel et la culture populaire en Italie. L’exploration approfondie des représentations de la Befana, à travers les siècles et les régions d'Italie, permettrait de mieux cerner la profondeur de cette influence, et d'appréhender l'évolution dynamique d'un mythe italien profondément ancré dans l'histoire et la culture du pays. Au total, environ 1600 représentations de la Befana ont été recensées en Italie depuis le 15ème siècle. Parmi celles-ci, 5% montrent des similitudes stylistiques avec l’art de la Renaissance florentine, notamment dans les expressions faciales et la représentation des draperies des vêtements.